Ainsi donc, puisque le maire socialiste de Paris «fait ce qu'il veut», à en croire un porte-parole de l'UMP, le dalaï-lama - qui n'a rien demandé ! - a reçu le titre de citoyen d'honneur de la capitale à la sauvette, en fin d'après-midi d'un dimanche d'élections européennes, sans conférence de presse ni petits fours de rigueur, selon un service minimum prestement expédié. Et surtout pas de drapeau tibétain au fronton de la mairie, cela pouvait fâcher tout rouge dans la lointaine Cité interdite de Pékin qui, chacun le sait, ne cherche ni n'a jamais cherché à se mêler des affaires d'autrui. Quelques centaines de Tibétains et de sympathisants relégués à bonne distance derrière des barrières arboraient néanmoins les couleurs interdites, coup de soleil sous la pluie. Affronter crânement une dictature qui a fait ses preuves, c'est ce que semblent craindre par-dessus tout les responsables politiques français, pratiquement toutes tendances confondues, dans le sillage de la bouffée de mauvaise humeur de l'an dernier, à la suite de la très brève rencontre, dans un pays tiers, du président français et du leader tibétain.
Après les honneurs de Rome et les fastes de Venise qui ont remis le même titre en février passé au même citoyen du monde avant que Varsovie ne leur emboîte le pas, Paris, notre bonne ville, fait décidément bien piètre figure. A se faire retourner dans leurs tombes Gavroche, les communards et les résistants. Et à faire monter le rouge de la honte au visage de nombre de Parisiens de réputation persifleuse et de simples citoyens d'ailleurs, non moins outrés par ce manque élémentaire de courtoisie. Brader de la sorte quelques-unes des valeurs essentielles du pays qui se veut le berceau des droits de l'homme et d'une ville qui se plaît à porter haut le flambeau de la liberté des individus comme des peuples, au moment même où le toit du monde est transformé en une vaste prison à ciel ouvert pour ses habitants qui se battent avec l'énergie du désespoir pour survivre et sauvegarder leur altérité, c'est une insulte qui ne sera pas oubliée de si vite. L'infliger à l'une des personnalités les plus respectées du monde n'ajoute rien à l'autorité morale de ceux qui s'y abaissent.
A Bercy cependant, devant près de 10 000 personnes, Robert Badinter avait quant à lui tenu à saluer en le dalaï-lama «le chef d'une nation occupée, porteur d'un message d'humanité et de spiritualité, seules forces qui vaillent face à l'injustice et la violence». Et d'assurer que : «La résistance spirituelle finit toujours par l'emporter.»
CLAUDE B. LEVENSON écrivain, traductrice.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire