mardi 12 février 2013

LA QUESTION BRULANTE : Pourquoi les Tibétains se tournent-ils vers l’auto-immolation ?



LA QUESTION BRULANTE :
Pourquoi  les Tibétains se tournent-ils vers l’auto-immolation ?

Introduction
                               Le Tibet, occupé par la Chine depuis 1950, a été virtuellement  placé sous la loi martiale depuis la vague de manifestations pacifiques qui est passée sur le Tibet en 2008. Le résultat de plus de 60 ans de soumission à  l’autorité de la Chine et  de sa politique répressive intransigeante, est là : les Tibétains de l’intérieur du Tibet ont commencé à protester en  s’auto-immolant.
                               Malgré plusieurs décennies  de mesures  visant à éradiquer l’identité tibétaine, les Tibétains du Tibet restent  constants dans leur détermination et  leurs aspirations.  A la date du 22 janvier 2013, 99 Tibétains se sont immolés depuis 2009. Et 83 d’entre eux sont décédés. On ne sait rien des lieux ni des conditions où se trouvent les 16 survivants.

QU’EST-CE que l’auto-immolation ?
                               L’auto-immolation   est un acte volontaire consistant à mettre le feu à son propre corps. Dans le cas du Tibet,  c’est une action de protestation contre l’injustice et la répression.  L’image du moine vietnamien dans les  flammes est aussi vive que celle du marchand de quatre saisons  tunisien de 2010. Le premier attirait l’attention sur l’horrible guerre du Vietnam tandis que le second a donné naissance au printemps arabe.  De nombreux Chinois se sont aussi immolés pour protester contre leur  gouvernement.

Que veulent ceux qui s’immolent ?
-                     Le retour  au Tibet de Sa Sainteté le Dalaï Lama
-                     La liberté pour les Tibétains
Quelle est la position de l’Administration Centrale Tibétaine ?
                               Depuis le début des auto-immolations, l’administration centrale tibétaine  (ACT)  n’a cessé d’appeler les Tibétains de l’intérieur du Tibet à s’abstenir d’actions radicales. Les immolations se poursuivant malgré ces appels, le devoir moral de  l’ACT  a été de parler au nom des  Tibétains de l’intérieur du Tibet et d’expliquer les raisons de ces actions à la communauté internationale.  Dans ses efforts pour trouver une solution durable à la situation du Tibet, l’Administration Centrale Tibétaine  demeure totalement  fidèle au principe de  non-violence et à la poursuite du dialogue.

                               Après 60 ans d’occupation chinoise, les mesures gouvernementales ne sont pas parvenues à satisfaire les aspirations du peuple tibétain  dont l’identité culturelle est différente.  Il y a, à l’origine de la situation actuelle, les mesures de l’Etat qui ont conduit à la répression politique, à la marginalisation économique,  à l’assimilation culturelle et à la destruction de l’environnement. En l’absence  d’espace permettant  une contestation conventionnelle  les Tibétains sont forcés de recourir à  l’action dramatique consistant à s’incendier car ils pensent que c’est le seul moyen qui leur est laissé d’amener le monde  à remarquer la détresse de leur peuple.

Répression politique
                               Les limitations sévères à la liberté de religion  et l’intensification de la « rééducation patriotique » au cours de  laquelle les membres de la communauté monastique  sont forcés de faire  allégeance au Parti Communiste  et de trahir le Dalaï Lama  sont  parmi les éléments  les plus visibles de la répression politique actuelle.  Des raids nocturnes s’abattent sur  monastères. Des Comités de gestion démocratique  (CGD)  composés de membres du  Parti Communiste gèrent l’organisation quotidienne des établissements religieux tibétains. Depuis novembre 2011, des portraits des leaders du PC chinois et le drapeau national chinois  doivent être exposés dans tous les monastères.

Marginalisation économique
-70%  des entreprises de Lhassa, capitale du Tibet, sont la propriété des Chinois ou sont gérés par eux.
- 40% des diplômés tibétains du secondaire et du supérieur sont au chômage.

                                Dans un contexte où les  Tibétains locaux sont privés de pouvoir politique de façon  permanente, les stratégies de développement décidées au niveau du pouvoir  central  depuis le milieu des année 1990 ont canalisé les aides financières  importantes et les investissements  subventionnés vers  les structures d’Etat dominées par les chinois, ou  encore vers des corporations et d’autres entités basées à l’extérieur des zones tibétaines.
                               Ces dynamiques structurelles et institutionnelles renforcent   le caractère  discriminatoire,  assimilationniste et mènent à la confiscation du pouvoir. Cette  situation accentue  en particulier la forte  discrimination politique, culturelle  et linguistique  dérivant des caractéristiques du groupe culturel et politique dominant, telles que  la maîtrise de la langue chinoise, de la culture industrielle, de  la connaissance des réseaux gouvernementaux et entrepreneuriaux de la Chine proprement dite. En contrecoup, cela intensifie la dynamique d’exclusion ethnique  de l’emploi urbain et, de façon plus générale,  la marginalisation des travailleurs tibétains.



L’assimilation culturelle

                               Ces dernières années les autorités chinoises  ont tenté d’instaurer de nouvelles mesures  tendant à éliminer ou à limiter sévèrement  dans les zones de peuplement  tibétain  l’utilisation de la langue  tibétaine  dans l’enseignement  et à remplacer les manuels scolaires rédigés  en tibétain par  des manuels  rédigés  en chinois. Ces développements ont eu lieu alors que, dans le monde entier, les recherches  dans ce domaine  ainsi que les statistiques chinoises officielles  ont montré que les étudiants réussissent mieux   lorsqu’ils étudient les matières scientifiques  dans leur propre langue.
                               Cette politique est déjà la règle dans la Région dite Autonome du Tibet depuis plusieurs années et a conduit à ces résultats bien connus : les étudiants n’ont plus qu’une connaissance superficielle de leur propre langue et de leur propre civilisation. Grâce à des manifestations pacifiques de citoyens, à des pétitions et à  l’envoi de lettres, les Tibétains  ont exprimé leur opposition à cette nouvelle politique linguistique. En outre,  les transferts intenses et  massifs au Tibet de populations  non tibétaines ont mis en danger l’identité tibétaine  des Tibétains  dans leur propre pays..


La destruction de l’environnement

                               L’exploitation outrancière  des ressources minières sévit au Tibet.  On   trouve au Tibet plus d’une centaine de minéraux  différents. Ces ressources minérales d’une valeur de plusieurs milliards de dollars  sont, la majeure partie du temps, exploitées sans  que la population tibétaine ait été consultée. En dépit du fait qu’une grande partie de la population tibétaine est  nomade, la Chine, au nom du développement et de la restauration des pâturages, a arrêté  diverses mesures  forçant les nomades  à quitter leur habitat ancestral. A la fin de l’année 2015, un million quatre-cent mille (1.400.000)  nomades tibétains  auront été  réinstallés dans des maisons en béton.

                               Le Tibet étant le toit du monde et le château d’eau de l’Asie, la destruction irréversible de son environnement  est grosse de graves conséquences pour la planète entière  et particulièrement les pays voisins en aval. Le gouvernement de la RPC envisage de dévier le cours des rivières  et des fleuves majestueux  du Tibet  - l’Indus, le Mékong, le Yang Tsé, le fleuve Jaune, le Brahmapoutre, la Salouen,  le Karnali, et la  Sutlej-   pour arroser les régions arides du nord. L’eau de ces fleuves  est  vitale pour l’Inde,  le Bengladesh, le Myanmar, le Bhoutan, le Népal, le Cambodge, le Pakistan, le Laos,  la Thaïlande et le Vietnam qui constituent 47% de la population mondiale… Le réchauffement terrestre et  le changement climatique au Tibet (aussi appelé le « troisième pôle » à cause de son importante masse de glaciers) auront aussi des conséquences sur les autres parties du monde.

                Version originale par le Department of Information and International Relations of Central Tibetan Administration., in Dharamsala.
                Traduction A.R.T. Grenoble

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