Le Dalaï-lama vient à Lausanne début août. Mais le gouvernement a décidé de ne pas le rencontrer officiellement.
© EYEDEA PRESSE Le chef spirituel du Tibet. Ron Hochuli 16.07.2009 00:02
«La paix dans le monde par la paix intérieure.» Tel est l’intitulé d’une des conférences que donnera le dalaï-lama lors de sa visite à Lausanne, les 4 et 5 août. Un sujet qui ne suscite visiblement pas l’enthousiasme du Conseil fédéral, à en juger par sa décision de ne pas organiser de rencontre ministérielle officielle avec le plus haut chef spirituel du Tibet. Lors de son dernier passage en Suisse, en 2005, le Dalaï-lama avait été reçu par Pascal Couchepin, sous sa casquette de ministre des Cultes. Par le passé, René Felber, Flavio Cotti ou Ruth Dreifuss avaient eux aussi reçu l’«océan de sagesse». Mais ces rencontres n’ont jamais eu un caractère officiel. Cette fois, Pascal Couchepin invoque des problèmes d’emploi du temps, entre ses vacances et le Festival de Locarno, où le ministre de la Culture se rend chaque année.
«On sert bien la main d’Ahmadinejad!» La Chine proteste à chaque fois que le Dalaï-lama est accueilli par un Etat étranger. Et ce serait actuellement le mauvais moment de s’attirer les foudres de Pékin, avec qui Berne vient de mettre sur pied un groupe de travail chargé d’évaluer la faisabilité d’un accord de libre-échange entre les deux pays.
Kathy Riklin (PDC/ZH), vice-présidente du groupe parlementaire Suisse-Tibet, ne veut pas faire de lien avec cette actualité. «Le Conseil fédéral a plus globalement peur de la puissance chinoise.» Une attitude que la Zurichoise juge indigne: «Angela Merkel et Carla Bruni vont recevoir le dalaï-lama et la Suisse, elle, se cache. On n’hésite pas à serrer la main du président iranien Ahmadinejad, en invoquant la neutralité. Or la neutralité consisterait précisément à discuter avec tout le monde!»
Finalement, sollicitée par le Département fédéral des affaires étrangères, c’est la présidente du Conseil national, Chiara Simoneschi-Cortesi, qui devrait rencontrer le dalaï-lama. Et dans l’entourage du Conseil fédéral, on ajoute qu’un entretien entre le chef spirituel tibétain et un ministre n’est pas totalement exclu. A moins que ce ne soit un futur membre du Conseil fédéral: une rencontre avec le président du Conseil d’Etat vaudois, Pascal Broulis, est agendée.
----------16 juillet 2009 - 13:26
La Suisse officielle ignore le Dalaï-Lama
Le Dalaï Lama ne sera pas reçu par un membre du gouvernement, contrairement à sa visite de 2005
Le Dalaï-Lama sera à Lausanne les 4 et 5 août prochain pour y dispenser son enseignement à la patinoire de Malley. Pour la première fois depuis dix ans, le gouvernement suisse renonce à rencontrer le guide spirituel des Tibétains et prix Nobel de la paix. Le résultat de pressions chinoises?
«Nous avons si bien préparé le terrain pour un accord de libre-échange entre nos deux pays, nos collaborations ont été si fructueuses. Il serait vraiment dommage qu'une rencontre gouvernementale avec le Dalaï-Lama vienne compromettre tous les travaux déjà accomplis».
Ces mots - prononcés et entendus dans des cercles économiques - personne pour le moment ne confirme qu'ils ont bel et bien été prononcés. Ils illustrent pourtant la teneur des pressions exercées par la Chine sur des intérêts suisses à Pékin pour éviter une éventuelle rencontre entre un membre du gouvernement suisse et le guide spirituel des Tibétains, lors de la visite de ce dernier à Lausanne, le 4 et 5 août prochains.
Forcer la main
L'ambassade de Suisse à Pékin ne fait aucun commentaire. Elle ne confirme ni n'infirme quoi que ce soit, et attend une hypothétique réaction officielle chinoise pour s'exprimer. Idem à la Chambre de commerce Suisse-Chine de Pékin, dont le président Peter Trösch affirme avoir discuté de la visite du Dalaï-Lama en Suisse avec l'ambassade et ne pas être en mesure de confirmer quelque forme de pression chinoise à l'approche de ce voyage.
Toujours est-il que des voix - forcément strictement anonymes - font état à Pékin de pressions bien réelles. Suffisantes en tous cas pour inciter le Conseil fédéral (gouvernement) à ne pas rencontrer le Dalaï-Lama. En quelque sorte lui forcer la main.
La confirmation est tombée mercredi 15 juillet: «nous avons invité les conseillers fédéraux mais aucun n'a répondu positivement à notre invitation», fait savoir Jon Schmidt, du comité d'organisation «Dalaï-Lama Lausanne 2009».
Il précise qu'une rencontre est prévue avec Pascal Broulis, président du Conseil d'Etat vaudois, Philippe Leuba, Conseiller d'Etat, et d'autres hauts fonctionnaires de l'Etat de Vaud. Peu après, c'est la ministre des Affaire étrangère Micheline Calmy-Rey qui déclare avoir confié à la première citoyenne du pays, Mme Chiara Simoneschi-Cortesi, présidente du Conseil National (Chambre basse du parlement), la tâche d'accueillir sa sainteté le Dalaï-Lama.
Micheline Calmy-Rey se justifie
Et pourquoi la cheffe du Département fédéral des affaires étrangères ne l'accueille-t-elle pas en personne? «Ca tombe très mal, la période est difficile, pour moi c'était impossible, pour mes collègues aussi. Nous avons donc cherché une solution qui corresponde au degré et à la personnalité du Dalaï-Lama», a-t-elle affirmé sur les ondes de la Radio Suisse Romande.
Quant à savoir si les travaux de préparation d'un accord de libre-échange avec la Chine ont influencé les discussions du Conseil fédéral, la ministre affirme que «cet élément n'est pas intervenu dans nos discussions».
D'ailleurs, «la Suisse ne subit aucune pression de la part de la Chine. La Suisse est en dialogue permanent avec les autorités de ce pays», selon Erik Reumann, porte-parole du DFAE.
Vive polémique
La version officielle suscite la polémique. L'Association de l'amitié suisse-tibétaine se dit «stupéfaite et triste» d'apprendre qu'il n'y aura pas de rencontre avec un conseiller fédéral. Et le groupe parlementaire Suisse-Tibet à Berne s'est fendu d'une lettre au Conseil fédéral pour exiger de lui qu'il rencontre le Dalaï-Lama.
Son vice-président, l'UDC valaisan Oskar Freysinger, reste fidèle à son franc parler: «C'est affligeant. Le gouvernement Suisse ne défend plus que sa propre veulerie. [...] Il ne sait faire plus qu'une chose: se courber devant les puissants de ce monde et s'excuser d'exister. Ce n'est pas là la Suisse pour laquelle je me bats. Personne n'ose tenir tête à ce système communiste chinois dictatorial parce qu'il y a des intérêts économiques en jeu et qu'il est plus facile de vendre son âme au diable que de lui résister».
Et le parlementaire de poursuivre: «Si l'intérêt est de rester soi-même, de vivre avec la tête haute et de se battre pour ce qui est juste, alors cette rencontre doit avoir lieu. Si, en revanche, il ne s'agit que de montrer sa soumission en vue de quelques contrats juteux, alors non. Pour ma part, je défendrai toujours la première option. Sinon, le pays souverain qu'est encore la Suisse n'a plus de raison d'exister».
A la botte de la Chine?
La Suisse à la botte des Chinois, vraiment ? Rien n'est moins sûr. La présidente du Conseil national recevra le Dalaï-Lama, ça n'est pas rien. Et «l'Océan de sagesse» est un habitué des visites en Suisse, où il se rend à titre privé, et non gouvernemental.
S'il a rencontré personnellement quatre conseillers fédéraux ces dernières années, il lui est aussi arrivé de n'en croiser aucun. Micheline Calmy-Rey précise bien qu'il n'a jamais reçu d'accueil gouvernemental, et que c'est le ministre de la culture qui habituellement le rencontrait. Pour l'avenir, «nous avons l'intention de continuer dans cette ligne là».
Alain Arnaud, Pékin, avec la collaboration de Michel Walter, Berne, swissinfo.ch
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