jeudi 23 février 2012

Lettre ouverte d'Yves Le Corre

Lettre ouverte à

Madame Nathalie Arthaud, candidate de Lutte Ouvrière aux élections présidentielles.

Je viens de prendre connaissance de votre lettre ci-jointe, permettez-moi d’ajouter quelques réflexions en espérant que votre lourde charge vous permettra de consacrer quelques minutes à me lire.

Un grand merci d’abord à Lutte Ouvrière pour vos positions concernant le Peuple tibétain, à diffuser le plus largement que cela vous sera possible, positions en faveur de la liberté du Peuple tibétain de plus en plus opprimé et martyrisé chaque jour dans le grand silence de la communauté internationale ( et de vos concurrents), oppression liée à la politique colonialiste de l’envahisseur chinois au Tibet dans un unique but, strictement économique et stratégique au mépris des droits humains les plus élémentaires de ce peuple pour se gérer lui-même.

A quoi serait réduite la Chine sans le Tibet et ses richesses, sans le Xinjiang et sans la Mongolie intérieure ? Que serait le fantastique « boom économique » de la Chine sans l’utilisation actuelle du travail d’esclaves, sans les camps de Laogaï et leur rôle caché dans le développement du Tibet. Boom économique dont les bénéficiaires au Tibet sont essentiellement les migrants Hans et quelques privilégiés tibétains. La Chine étant l’un des dix pays sur les 175 membres de l’OIT à ne pas avoir ratifié les conventions contre le travail forcé.

Par contre, veuillez m’excuser, mais je crains que vous soyez mal informée au sujet de la personnalité du Dalaï Lama qui parle très souvent de paix, d’amour et de non-violence, avec les quelques rappels que voici :

1953 : « Dans une conversation avec Thomas Laird, le Dalaï-Lama suggère que la souffrance liée au servage était beaucoup plus importante en Chine qu'au Tibet, puisque 3 millions de propriétaires ont été tués en 1953 par les serfs alors que rien de semblable ne s’est produit au Tibet. »

1994 : je lis à propos du Dalaï Lama :« il ne peut être réellement blâmé pour les abus de l’ancien régime, n’ayant que 15 ans quand il s’enfuit en exil. En 1994, dans une interview avec Melvyn Goldstein, il dit en privé qu’il était depuis sa jeunesse en faveur de la construction d’écoles, "de machines" et de routes dans son pays. Il prétend qu’il pensait que la corvée (travail forcé non payé d’un serf au profit du seigneur) et certains impôts imposés aux paysans étaient "extrêmement mauvais". Et il n’aimait pas la façon dont les gens étaient surchargés avec des vieilles dettes parfois transmises de génération en génération. En outre, il propose maintenant la démocratie pour le Tibet, caractérisée par une constitution écrite, une assemblée représentative et d’autres attributs démocratiques essentiels. »

1996 : En 1996, Il dit en partie ceci :« De toutes les théories économiques modernes, le système économique marxiste est fondé sur des principes moraux, tandis que le capitalisme n’est fondé que sur le gain et la rentabilité. Le marxisme est basé sur la distribution de la richesse sur une base égale et sur l’utilisation équitable des moyens de production. Il est aussi concerné par le destin des travailleurs - qui sont la majorité - aussi bien que par le destin d’entre ceux qui sont défavorisés et dans le besoin, et le marxisme se soucie des victimes de minorités exploitées. Pour ces raisons, le système m’interpelle et il semble juste ... Je me considère moi-même comme demi-marxiste et demi-bouddhiste. »

2001 : « Et plus récemment, en 2001, en visitant la Californie, il a fait remarquer que "le Tibet, matériellement, est très, très en arrière. Spirituellement, il est tout assez riche. Mais la spiritualité ne peut pas remplir nos estomacs." «

2004 : Dans un entretien avec Johann Hari, le Dalaï-Lama affirme « avoir lui-même diminué certains impôts et dettes, avoir engagé des réformes majeures durant les quelques années où il a dirigé le Tibet « dans une alliance difficile avec les Chinois ». Il rapporte avoir établi un système judiciaire indépendant et aboli le système de la dette héréditaire, qui était, explique-t-il, « le fléau de la communauté paysanne et rurale », piégeant celle-ci dans une servitude envers l'aristocratie »

2008 : Interview du Dalaï Lama par Ursula Gauthier, 17/01/2008

«Personne ne peut dire que le Tibet du passé était parfait. Il était certainement arriéré.

Le système social, le système politique étaient sans aucun conteste arriérés. Cependant, si l’on

compare la société féodale qui avait cours au Tibet, avec la société féodale chinoise, ou indienne, à la même époque, je crois que la société féodale tibétaine était plus compatissante. Par exemple, il y avait une prison au Potala qui à mon époque comptait entre 20-40 prisonniers. L’autre prison de Lhassa comptait à peu près le même nombre. Dans chaque district, bien entendu, il y avait une prison avec à peu près le même nombre de pensionnaires. Mais aujourd’hui, il existe partout au Tibet des milliers de prisons, et dans les années 60, il y a eu des dizaines de milliers de prisonniers. Une autre différence : dans le passé, quelques privilégiés exploitaient leurs sujets dans le passé, ce qui est totalement injuste, y compris d’un point de vue bouddhiste, personne ne le conteste. Mais ceci se produisait entre Tibétains. Maintenant, nouveau maître, nouveau seigneur : tous les Tibétains sont devenus les sujets de nouveaux maîtres » et de préciser à propos du gouvernement chinois actuel :

Il m’arrive parfois de penser que je suis plus marxiste qu’eux. (Rire) Un marxiste en robe bouddhiste ».

En résumé, je suis convaincu qu’il n’y a rien à croire dans les arguments des Chinois, ou au minimum pour certains, les replacer dans un des siècles précédents, sachant que des réformes ont été entreprises dès la fin du XIXe siècle par le 13e dalaï-lama : abolition de la peine de mort en 1898 puis après son retour de l'exil, dans sa proclamation d'indépendance, alors qu’il annonçait l'interdiction des amputations de membres avec une déclaration tout à fait spécifique : « divers châtiments physiques sont bannis: ainsi, l’amputation de membres était pratiquée en guise de punition. Dorénavant, des traitements aussi sévères sont interdits ». Des exemplaires de cette proclamation furent envoyés dans tout le Tibet et durent être gardés dans le bureau de chaque district.

Soyons honnêtes et ne comparons que ce qui est comparable entre pays voisins et à la même époque ; ne pas faire d’amalgame entre les prétendues affirmations des dirigeants chinois actuels pour leurs seuls intérêts et le Tibet certainement réel, mais avant le 13ème Dalaï Lama intronisé en 1895 et où, comme le reconnaît le 14ème Dalaï Lama Tenzin Gyatso, le système n’était pas du tout idéal même encore en 1949, mais n’avait rien à voir avec l’esclavage. Ce dernier précisant en 1991 :

« Les rapports entre le propriétaire et le serf étaient bien plus doux au Tibet qu'en Chine et les conditions des pauvres étaient bien moins dures »

Avec mes respectueuses salutations, je vous remercie très vivement Madame la Candidate à la Présidence, si vous avez consacré quelques minutes à me lire et si comme moi vous pouvez faire une synthèse aussi proche de la mienne et de la réalité que je crois , sans à priori anti-clérical comme l’un de vos concurrents en particulier, mais dans le seul intérêt du Peuple tibétain et non de l’envahisseur, la véritable « libération des opprimés tibétains » est à venir et je l’espère grâce à votre aide.

Yves LE CORRE, citoyen du Monde et ami des Peuples tibétains & chinois.

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