LA QUESTION BRULANTE :
Pourquoi les Tibétains se tournent-ils vers
l’auto-immolation ?
Introduction
Le Tibet,
occupé par la Chine depuis 1950, a été virtuellement placé sous la loi martiale depuis la vague de
manifestations pacifiques qui est passée sur le Tibet en 2008. Le résultat de
plus de 60 ans de soumission à l’autorité
de la Chine et de sa politique
répressive intransigeante, est là : les Tibétains de l’intérieur du Tibet
ont commencé à protester en
s’auto-immolant.
Malgré plusieurs
décennies de mesures visant à éradiquer l’identité tibétaine, les
Tibétains du Tibet restent constants
dans leur détermination et leurs aspirations.
A la date du 22 janvier 2013, 99
Tibétains se sont immolés depuis 2009. Et 83 d’entre eux sont décédés. On ne
sait rien des lieux ni des conditions où se trouvent les 16 survivants.
QU’EST-CE que
l’auto-immolation ?
L’auto-immolation est un acte volontaire consistant à mettre le
feu à son propre corps. Dans le cas du Tibet,
c’est une action de protestation contre l’injustice et la
répression. L’image du moine vietnamien
dans les flammes est aussi vive que
celle du marchand de quatre saisons
tunisien de 2010. Le premier attirait l’attention sur l’horrible guerre
du Vietnam tandis que le second a donné naissance au printemps arabe. De nombreux Chinois se sont aussi immolés
pour protester contre leur gouvernement.
Que veulent ceux qui s’immolent ?
-
Le retour
au Tibet de Sa Sainteté le Dalaï Lama
-
La liberté pour les Tibétains
Quelle est la position de l’Administration
Centrale Tibétaine ?
Depuis le
début des auto-immolations, l’administration centrale tibétaine
(ACT) n’a cessé d’appeler les Tibétains
de l’intérieur du Tibet à s’abstenir d’actions radicales. Les immolations se
poursuivant malgré ces appels, le devoir moral de l’ACT
a été de parler au nom des
Tibétains de l’intérieur du Tibet et d’expliquer les raisons de ces
actions à la communauté internationale.
Dans ses efforts pour trouver une solution durable à la situation du
Tibet, l’Administration Centrale Tibétaine demeure totalement fidèle au principe de non-violence et à la poursuite du dialogue.
Après 60 ans
d’occupation chinoise, les mesures gouvernementales ne sont pas parvenues à
satisfaire les aspirations du peuple tibétain
dont l’identité culturelle est différente. Il y a, à l’origine de la situation actuelle,
les mesures de l’Etat qui ont conduit à la répression politique, à la
marginalisation économique, à
l’assimilation culturelle et à la destruction de l’environnement. En
l’absence d’espace permettant une contestation conventionnelle les Tibétains sont forcés de recourir à l’action dramatique consistant à s’incendier
car ils pensent que c’est le seul moyen qui leur est laissé d’amener le monde à remarquer la détresse de leur peuple.
Répression politique
Les
limitations sévères à la liberté de religion
et l’intensification de la « rééducation patriotique » au
cours de laquelle les membres de la
communauté monastique sont forcés de
faire allégeance au Parti
Communiste et de trahir le Dalaï Lama sont
parmi les éléments les plus
visibles de la répression politique actuelle.
Des raids nocturnes s’abattent sur monastères. Des Comités de gestion
démocratique (CGD) composés de membres du Parti Communiste gèrent l’organisation
quotidienne des établissements religieux tibétains. Depuis novembre 2011, des
portraits des leaders du PC chinois et le drapeau national chinois doivent être exposés dans tous les
monastères.
Marginalisation économique
-70% des entreprises de Lhassa, capitale du Tibet,
sont la propriété des Chinois ou sont gérés par eux.
- 40% des diplômés tibétains du secondaire et du
supérieur sont au chômage.
Dans un contexte où les Tibétains locaux sont privés de pouvoir
politique de façon permanente, les
stratégies de développement décidées au niveau du pouvoir central
depuis le milieu des année 1990 ont canalisé les aides financières importantes et les investissements subventionnés vers les structures d’Etat dominées par les
chinois, ou encore vers des corporations
et d’autres entités basées à l’extérieur des zones tibétaines.
Ces
dynamiques structurelles et institutionnelles renforcent le
caractère discriminatoire, assimilationniste et mènent à la confiscation
du pouvoir. Cette situation
accentue en particulier la forte discrimination politique, culturelle et linguistique dérivant des caractéristiques du groupe
culturel et politique dominant, telles que
la maîtrise de la langue chinoise, de la culture industrielle, de la connaissance des réseaux gouvernementaux
et entrepreneuriaux de la Chine proprement dite. En contrecoup, cela intensifie
la dynamique d’exclusion ethnique de
l’emploi urbain et, de façon plus générale,
la marginalisation des travailleurs tibétains.
L’assimilation
culturelle
Ces
dernières années les autorités chinoises
ont tenté d’instaurer de nouvelles mesures tendant à éliminer ou à limiter sévèrement dans les zones de peuplement tibétain l’utilisation de la langue tibétaine
dans l’enseignement et à
remplacer les manuels scolaires rédigés
en tibétain par des manuels rédigés
en chinois. Ces développements ont eu lieu alors que, dans le monde
entier, les recherches dans ce domaine ainsi que les statistiques chinoises
officielles ont montré que les étudiants
réussissent mieux lorsqu’ils étudient
les matières scientifiques dans leur
propre langue.
Cette
politique est déjà la règle dans la Région dite Autonome du Tibet depuis
plusieurs années et a conduit à ces résultats bien connus : les étudiants
n’ont plus qu’une connaissance superficielle de leur propre langue et de leur
propre civilisation. Grâce à des manifestations pacifiques de citoyens, à des
pétitions et à l’envoi de lettres, les
Tibétains ont exprimé leur opposition à
cette nouvelle politique linguistique. En outre, les transferts intenses et massifs au Tibet de populations non tibétaines ont mis en danger l’identité
tibétaine des Tibétains dans leur propre pays..
La
destruction de l’environnement
L’exploitation
outrancière des ressources minières
sévit au Tibet. On trouve au Tibet plus d’une centaine de
minéraux différents. Ces ressources
minérales d’une valeur de plusieurs milliards de dollars sont, la majeure partie du temps, exploitées
sans que la population tibétaine ait été
consultée. En dépit du fait qu’une grande partie de la population tibétaine
est nomade, la Chine, au nom du
développement et de la restauration des pâturages, a arrêté diverses mesures forçant les nomades à quitter leur habitat ancestral. A la fin de
l’année 2015, un million quatre-cent mille (1.400.000) nomades tibétains auront été
réinstallés dans des maisons en béton.
Le
Tibet étant le toit du monde et le château d’eau de l’Asie, la destruction
irréversible de son environnement est
grosse de graves conséquences pour la planète entière et particulièrement les pays voisins en aval.
Le gouvernement de la RPC envisage de dévier le cours des rivières et des fleuves majestueux du Tibet
- l’Indus, le Mékong, le Yang Tsé, le fleuve Jaune, le Brahmapoutre, la
Salouen, le Karnali, et la Sutlej-
pour arroser les régions arides du nord. L’eau de ces fleuves est
vitale pour l’Inde, le
Bengladesh, le Myanmar, le Bhoutan, le Népal, le Cambodge, le Pakistan, le
Laos, la Thaïlande et le Vietnam qui
constituent 47% de la population mondiale… Le réchauffement terrestre et le changement climatique au Tibet (aussi
appelé le « troisième pôle » à cause de son importante masse de
glaciers) auront aussi des conséquences sur les autres parties du monde.
Version
originale par le Department of Information and International Relations of
Central Tibetan Administration., in Dharamsala.
Traduction
A.R.T. Grenoble